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Le bicaméralisme ou le bicamérisme est un mode d'organisation du système de représentation qui consiste à instituer deux assemblées au sein du Parlement chargées de représenter la Nation.
En tant que système il s'est développé en Europe dans la phase d'instauration de la démocratie représentative. Conçu en Angleterre au cours du XIVème siècle, le bicaméralisme s'est répandu par la suite aux Etats-Unis, en France et à la plupart des pays européens. Plus tard, au lendemain de leur indépendance, certains pays en développement l'ont également adopté. Le système bicaméral s'est développé et s'est diversifié à l'échelon mondial. Les pays qui l'ont mis à l'essai ont presque doublé durant les quarante dernières années du XXème siècle pour atteindre environ soixante-dix en 1999.
Le choix du monocaméralisme ou du bicaméralisme répond à des considérations d'ordre historique, culturel, sociopolitique et économique.
L'évolution historique du bicaméralisme a donné lieu à plusieurs tendances qui vont de la suppression pure et simple des secondes chambres jusqu'à leur prééminence en passant par "le bicaméralisme corporatiste" et "le bicaméralisme égalitaire".
Au Maroc, le bicaméralisme a été introduit bien avant le protectorat. En effet, aussi bien le mémoire constitutionnel de 1907 que le projet constitutionnel de 1908 ont prévu un système représentatif bicaméral. Après l'indépendance, la première constitution du pays de 1962 a institué un parlement bicaméral, formé d'une chambre des Représentants et d'une chambre des Conseillers. Cette première expérience du bicaméralisme au Maroc a été avortée par l'annonce de l'Etat d'exception en 1965. Elle a duré à peine deux ans et n'a donc pas eu le temps de s'enraciner dans la vie parlementaire marocaine. Un monocaméralisme assez particulier avec une double représentation direct et indirect a régi le système parlementaire marocain depuis 1970 jusqu'en 1996, date de la révision constitutionnelle qui a introduit de nouveau le système bicaméral.
Le régime et le fonctionnement du bicaméralisme au Maroc, après trois ans d'expérience, fait l'objet de questionnements et de griefs de la part des acteurs politiques. Certains vont jusqu'à remettre en cause son utilité, d'autres y voient un moyen de renforcement du contrôle du Parlement sur le gouvernement et d'amélioration de la production législative. D'aucuns pensent que l'expérience bicamérale est encore à ses débuts, doit faire l'objet de corrections, d'améliorations et d'approfondissement.
La présente étude tente dans une première partie d'analyser le contexte qui a débouché sur les réformes constitutionnelles de 1996 instituant la seconde chambre en mettant en relief ses traits spécifiques.
Dans la seconde partie, l'étude se propose d'établir le diagnostic de l'expérience du bicaméralisme marocain depuis 1997 jusqu'à 2000, et les remèdes proposés pour échapper au glissement du "bi parlementarisme".
Le bicaméralisme "marocain"
Le bicaméralisme, ré institué au Maroc, par la révision constitutionnelle de 1996, tout en s'inscrivant dans un contexte particulier présente un certain nombre de spécificités qui le distinguent du bicaméralisme classique.
Le contexte et le texte
C'est en analysant minutieusement ces deux aspects intimement liés que l'on pourra comprendre la signification du bicaméralisme marocain et ses limites intrinsèques.
Le contexte
Le bicaméralisme marocain est intervenu dans un contexte caractérisé essentiellement par un ensemble de réformes constitutionnelles et politiques destinées à préparer les conditions propices à la réalisation de l'alternance. Toutefois, il a été déterminé, à notre sens, par deux faits majeurs :
D'une part, la revendication des partis de l'opposition en vue de l'élection d'un parlement au suffrage universel direct.
D'autre part, l'échec des différentes tentatives de "l'alternance consensuelle".
1-La revendication d'un parlement élu au suffrage universel direct
Bien avant la profonde révision constitutionnelle de 1992, les partis du bloc démocratique ont adressé un mémorandum au Palais Royal dans lequel ils ont revendiqué la nécessité de démocratiser et de moderniser les institutions politiques marocaines.
En outre, ils ont demandé "l'élection de l'ensemble de la chambre des représentants au suffrage universel direct" et ont proposé que le tiers élu au suffrage universel indirect soit incorporé au sein du Conseil économique et social.
La nouvelle constitution révisée de 1992, bien qu'elle ait pris en considérations plusieurs revendications contenues dans le mémorandum de la Koutla démocratique n'a pas répondu à leur formulation d'instituer un parlement entièrement élu au suffrage universel direct.
Après l'adoption de la révision constitutionnelle qui n'a pas reçu l'adhésion de toutes les forces politiques en dépit de ses aspects éminemment positifs, la question du tiers du parlement élu au suffrage universel indirect va focaliser le débat politique lors des élections communales du 17 juin 1993. En effet, l'opposition a contesté l'opération votative au scrutin indirect en dénonçant les ingérences de l'administration et l'intervention massive de l'argent dans le processus électoral qui ont conduit à la falsification de la volonté populaire et par conséquent, elle a demandé leur annulation.
Tout en considérant que les élections du tiers indirect sont "nuls et non avenus", l'opposition a insisté sur la justesse de sa proposition concernant l'élection de l'ensemble des membres de la chambre des représentants au suffrage universel direct.
Cette position de principe a été réitérée à plusieurs occasions notamment dans le manifeste pour la démocratie établie le 11 janvier 1994, par les partis de l'Istiqlal, de l'U.S.F.P et de l'O.A.D.P, dans le programme politique , économique et social élaboré par les partis de la Koutla démocratique et également dans leur mémorandum du 23 Avril 1996.
Pour sortir de ce blocage politique, et du débat juridico-constitutionnel instauré autour de l'annulation des élections communales de 1993, et pour réaliser le consensus autour de la constitution en vue de réunir les conditions de l'avènement de l'alternance, les partenaires politiques ont été unanimes pour introduire de nouvelles réformes constitutionnelles et politiques.
Ainsi, le Roi feu S.M. Hassan II a annoncé dans son discours du 20/08/1995 son intention de réviser la constitution et "d'instaurer le système bicaméral".
Concernant la proposition du bloc démocratique du 19 juin 1992 selon laquelle " les assemblées communales urbaines et rurales, les chambres d'agriculture, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'artisanat et les représentants des salariés doivent être représentés au sein du conseil économique et social d'un pouvoir délibératif", le Roi a répondu que "la région (instituée par la constitution révisée de 1992) ne peut avoir sa pleine signification que si elle est représentée au niveau de la prise de décision et non pas seulement consultatif" et a précisé que : "les collectivités locales ne peuvent donner leur pleine mesure tant qu'elles ne seront pas rassemblées avec le corps de métiers au sein d'une assemblée parlementaire ayant les pouvoirs de décision".
L'initiative royale de la réforme constitutionnelle instituant le bicaméralisme a amené les partis de l'opposition à focaliser le débat non pas sur son utilité mais sur la délimitation des prérogatives de chacune des deux chambres et sur la nécessaire prééminence de la chambre élue au suffrage universel direct sur celle élue au suffrage universel indirect.
C'est ainsi que M. Boucetta, secrétaire général du parti de l'Istiqlal a estimé qu' "il est essentiel que la première chambre élue au suffrage universel direct ait des attributions et une importance plus grande en ce qui concerne notamment l'investiture du gouvernement et la responsabilité". Pour Ali Yata, secrétaire général du P.P.S, il n'est pas question de s'opposer à la création d'une seconde chambre "tant qu'elle ne contredit pas les prérogatives que nous réservons par principe, à l'assemblée nationale".
M. A. Youssoufi secrétaire général de l'U.S.F.P va plus loin en estimant que la réforme préconisée par le Roi d'instaurer un système de représentation bicaméral répond en définitive à la revendication de l'opposition "d'une chambre de représentants issue du suffrage universel direct… qui donnera essence à un appareil exécutif".
Cette adhésion au bicaméralisme peut être considérée comme une concession de la part des partis de l'opposition soucieux de débloquer la situation politique qui a prévalu depuis 1993 et de réaliser l'alternance, concession assortie toutefois de la délimitation des prérogatives de la seconde chambre par rapport à la chambre des représentants
L'échec de l'alternance consensuelle
De 1993 à 1994, le Maroc a connu deux tentatives "d'alternance consensuelle" qui n'ont pas abouti.
La première tentative d'alternance
Bien que ne disposant pas de la majorité absolue au sein du parlement, le Roi, dès l'ouverture de la nouvelle législature en octobre 1993, a proposé aux partis du bloc démocratique (USFP, Istiqlal, PPS et OADP) de constituer un gouvernement qui se chargerait de tous les portefeuils ministériels à l'exception du poste du Premier ministre, de l'Intérieur, des affaires étrangères et de la Justice. Il leur a promis la stabilité gouvernementale au moins deux ans, sinon plus s'ils le désiraient. Et durant cette, un pacte entre le Roi et les autres partis de "l'ancienne majorité", qui devraient, par voie de conséquence passer à l'opposition, allait intervenir pour assurer cette stabilité.
Cette proposition a été rejetée par le bloc démocratique, à l'exception toutefois du PPS qui a considéré que cette offre constituait "un progrès vers le changement et le renouveau" tant attendu par les forces de l'opposition.
Les autres trois partis du bloc démocratique, dans leur réponse au Roi en novembre 1993, ont présenté les raisons qui les ont empêché de répondre favorablement à la proposition royale en soulignant notamment la nécessité d'annuler l'élection du tiers de la chambre des représentants entachée de graves irrégularités.
La deuxième tentative d'alternance
En dépit de l'échec de cette première tentative, la voie de l'alternance est restée ouverte. En effet, un an après, le 14 octobre 1994, le Roi Hassan II a relancé le projet d'alternance en acceptant de nommer un Premier ministre au sein de l'opposition et l'autorisant à choisir au sein du Parlement les alliances nécessaires pour s'assurer d'une majorité numérique.
Après trois mois de négociation, le projet de cette "alternance consensuelle" s'est soldé, une seconde fois en une année, par l'échec. En effet, un communiqué du Cabinet Royal - le 11 janvier 1995 - annonce la décision du Roi de surseoir provisoirement le projet d'alternance.
Cet échec est dû à plusieurs facteurs notamment à l'exigence de l'opposition de ne pas siéger avec le ministre de l'Intérieur M.Driss Basri, mais aussi à des conflits personnels liés à la répartition des portefeuils ministériels et au manque de coordination entre les partenaires de la Koutla démocratique.
La contestation par l'opposition du tiers du Parlement élu indirectement et l'échec des deux tentatives de l'alternance consensuelle ont rendu nécessaire la mise en œuvre d'une nouvelle approche consensuelle visant à réviser la constitution de manière à bénéficier de l'unanimité et à préparer les conditions objectives et subjectives pour la réalisation de l'alternance.
Sur le plan politique, les deux premières années -1993.1995- qui ont suivi les élections législatives ont été marquées par une libération et une ouverture plus grande du pouvoir en direction de l'opposition. Cette ouverture s'est manifestée par l'adoption d'un certain nombre de mesures importantes notamment l'abrogation du Dahir de 1935 excessivement répressif en matière d'ordre public, l'amnistie de tous les détenus politiques et des exilés, la création du "ministère des droits de l'Homme et la reconnaissance des langues "Tamazight" et la décision de leur enseignement à l'école…
Par ailleurs, il faut souligner l'esprit du consensus politique qui a marqué le travail parlementaire durant cette cinquième législature puisque sur un total de 149 textes juridiques, le Parlement a adopté plus de 110 à l'unanimité. C'est dire que le signe du consensus politique qui est à la base des avancées démocratiques commence à gagner l'ensemble des acteurs politiques.
le texte ou la spécificité du bicaméralisme marocain
Le "bicaméralisme marocain" renferme un certain nombre de spécificités qui lui sont particulières. La deuxième chambre n'est pas une simple chambre dépourvue de tout pouvoir et par conséquent de toute utilité.
Cette seconde chambre comme l'a indiqué le Roi feu S.M Hassan II dans son discours à l'occasion du 43 ème anniversaire de la révolution du Roi et du Peuple : "n'est ni une chambre des sages, ni une chambre de sénateurs, mais plutôt une chambre où siègent les gens qui écoutent, décident, approuvent, critiquent où s'il le faut, renversent le gouvernement".
Partant de cette logique du "bicaméralisme égalitaire", le projet ou la proposition de loi peut être déposée, à la différence du bicaméralisme instituée en 1962, devant l'une des deux chambres.
Le Premier ministre expose également devant les deux chambres, après sa nomination par le Roi, le programme de son gouvernement et la discussion s'engage au sein des deux chambres même si le vote d'investiture n'engage que la chambre des représentants élue au suffrage universel direct.
La principale nouveauté du texte constitutionnel réside en plus de "la liberté d'entreprendre", de la mise sur pied du "plan de développement", de la confirmation de "la région", de la rénovation du conseil constitutionnel, et de la constitutionnalisation de la cour des comptes, dans l'institution d'un système parlementaire bicaméral avec la création d'une seconde chambre baptisée "chambre des conseillers" (art.36).
Complexité du nouvel aménagement constitutionnel
L'article 36 de la constitution révisée de 1996, qui a complètement modifié stipule que : "Le parlement est composé de deux chambres, la chambre des Représentants et la chambre des Conseillers".
En effet, les articles 37 et 38 précisent que la chambre des représentants est élue au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans, alors que la chambre des conseillers est élue pour 9 ans renouvelables par tiers tous les trois ans.
Le texte constitutionnel précise également que la deuxième chambre est composée sur la base d'une triple élection. Ainsi, selon l'aliéna 2 de l'article 38, les 3/5 sont élus dans chaque région par les représentants des collectivités locales et les 2/5 sont élues par les représentants des chambres professionnelles au niveau régional et les représentants des salariés au niveau national.
A la différence du sénat français qui est élu exclusivement par les collectivités territoriales, la chambre des conseillers, comme on le constate, est le lieu du panachage des collectivités locales, des secteurs économiques et du monde du travail.
Par ailleurs, la deuxième chambre, à l'instar de la première chambre, jouit des mêmes prérogatives. Elle dispose du pouvoir d'initiative des lois et peut auditionner les ministres, constituer des commissions d'enquête ou renverser le gouvernement selon une procédure qui lui est particulière. Toutefois, une certaine prééminence est accordée à la chambre des représentants par rapport à la chambre des conseillers
Le pouvoir législatif
Tout en élargissant le domaine de la loi, la constitution prévoit que les lois, y compris les lois organiques, sont adoptées par les deux chambres en termes identiques. Toutefois, en cas d'un impossible accord entre les deux chambres après deux lectures par chaque chambre ou si le gouvernement déclare l'urgence après une seule lecture, le gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire pour parvenir à l'adoption d'un texte identique. Si le désaccord persiste entre les deux chambres, ou si un accord est réalisé sans que le texte commun ne soit adopté par elles, le gouvernement peut demander à la chambre des représentants de statuer en dernier ressort sur le texte en litige.
Si cette prééminence de la chambre des représentants élue au suffrage universel direct paraît au regard des règles démocratiques justifiable, il n'en demeure pas moins qu'une telle procédure dépend largement de l'attitude du gouvernement qui peut du reste ne pas interrompre la navette entre les deux chambres et ne pas convoquer, par conséquence, la commission paritaire.
Il convient de rappeler dans ce cadre l'initiative de la chambre des conseillers qui a introduit dans son règlement intérieur une disposition prévoyant un délai de trois jours après une deuxième lecture la constitution de la commission mixte paritaire. Cette disposition a été censurée par le conseil constitutionnel dans sa décision n°228/98.
Il est à signaler par ailleurs, que sur le plan de la production législative, la chambre des conseillers a adopté 92 lois dont 13 propositions, soit en moyenne 30 textes par an.
Enfin, en matière de révision constitutionnelle, l'initiative appartient aux deux chambres, initiative ne pouvant être adoptée que par un vote identique à la majorité des deux tiers composant chaque chambre.
Le pouvoir politique
La nouvelle constitution attribue à la seconde chambre des moyens du contrôle sur le gouvernement notamment par le biais des questions et les commissions d'enquête et la mise en jeu de la responsabilité politique.
les questions parlementaires
La chambre des conseillers a usé fréquemment de ce moyen pour contrôler l'activité parlementaire. Ainsi, au cours des trois années, de 1977 à 2000 de la sixième législature, les conseillers ont posé 1267 questions écrites dont le gouvernement n'a répondu qu'à 802, et 1641 questions orales dont le gouvernement n'a répondu qu'à 840.
Il convient de signaler, à cet égard, qu'à la différence des pratiques parlementaires précédentes ou l'opposition s'est montrée plus active en questionnant les ministres, C'est le parti de l'Istiqlal, formation appartenant à la coalition gouvernementale qui a tendance, durant les trois premières années de législature actuelle, à en user fréquemment.
les commissions d'enquête
La chambre des conseillers dispose à l'instar de la chambre des représentants du pouvoir de constituer des commissions permanentes et des commissions d'enquêtes.
Le nombre de commissions permanentes, leurs dénominations voire le domaine de leur compétence sont plus ou moins identiques au sein des deux chambres.
La chambre des conseillers peut, à l'instar de la chambre des représentants, constituer des commissions d'enquête à la demande de la majorité des membres la composant.
Leur but réside dans la nécessité de recueillir des informations sur des faits précis et soumettre leurs conclusions à qui de droit. Les commissions d'enquête ont un caractère temporaire. Leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport. Toutefois, leur mission doit prendre fin durant l'enquête dès qu'une information judiciaire est ouverte sur la même question.
La motion d'avertissement
Pour renforcer les moyens de contrôle dont dispose la chambre des conseillers, la constitution a prévu un autre pouvoir assez original puisqu'il est étranger à la pratique parlementaire internationale à savoir la motion d'avertissement. L'article 77 stipule que la chambre des conseillers peut voter des notions d'avertissement au gouvernement qui doivent être signées par le tiers (1/3) au minimum et adoptées à la majorité absolue des députés. Adressée au Premier ministre, celui-ci dispose de six jours pour répondre. Sa déclaration est suivie d'un débat sans vote. Cette procédure, en tant que telle, ne vise pas à remettre en cause le gouvernement mais à attirer son intention sur une question jugée importante. Son domaine n'étant pas précisé par la constitution, elle peut être utilisée chaque fois que la chambre des conseillers se sente marginalisée par le gouvernement et chaque fois qu'elle entende s'auto-affirmer en tant qu'organe délibératif totalement investi face à un pouvoir exécutif dominant. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si la motion d'avertissement est nécessaire avant le dépôt de la motion de censure. La constitution étant muette sur cette question, on peut envisager que celle-ci peut-être déposée après la motion d'avertissement si les conseillers estiment insatisfaits des explications données par le Premier ministre.
Les pouvoirs conférés à la seconde chambre notamment la motion de censure et la motion d'avertissement constituent à notre sens des verrous de sécurité destinés à maîtriser le jeu de l'alternance.
L'expérience bicamérale marocaine
Le fonctionnement du bicaméralisme au Maroc durant les trois premières années de la sixième législature a fait apparaître un certain nombre de difficultés et de limites et a suscité en conséquence un débat politique sur les moyens pour y remédier voire sur son utilité.
Limites
Le débat sur l'expérience bicamérale qui a surgi dans notre pays, a donné lieu à des appréciations différentes voire opposées.
Les partisans du retour au système monocaméral
En avançant plusieurs arguments.
-La chambre des conseillers "n'est qu'un élément décoratif du paysage institutionnel dans la mesure où elle dispose à quelques nuances près, des mêmes attributions de la chambre des représentants élue au suffrage universel direct.
-Le bicaméralisme tend à alourdir la procédure législative déjà lente (ex : Le projet de loi de finances de 1999 n'a été adopté qu'en septembre au lieu de juillet). En outre, le même discours notamment celui du ministre des finances est présenté devant les deux chambres séparément.
-Le bicaméralisme tend à rendre parfois le travail parlementaire incohérent, puisque les mêmes questions orales ou écrites sont parfois adressées aux ministres dans les deux chambres. Plus encore, les mêmes groupes parlementaires au sein des deux chambres affichent parfois des positions contradictoires par rapport aux même projets ou propositions de texte.
-Les règlements intérieurs des deux chambres, à quelques exceptions près, sont tellement identiques qu'ils mettent en valeur deux parlements distincts au lieu de deux chambres d'un même et seul Parlement.
-L'absence de vase de communication entre les deux chambres - à l'exception de la séance clôturale d'octobre présidé par le Roi pendant laquelle les deux chambres siègent en commun, il n'y a pas de séances communes entre elles - expriment à bien des égards la logique d'un bicaméralisme clos qui désunit et complique plus qu'il n'harmonise et simplifie les mécanismes de l'action parlementaire.
-La seconde chambre, par sa composition et son mode d'élection, est une "chambre fourre-tout" et constitue un véritable frein à l'évolution et à l'approfondissement de la démocratie.
-Enfin, les partisans du retour au système monocaméral considèrent que le bicaméralisme coûte financièrement plus cher et rend politiquement la représentation nationale plus compliquée voire aléatoire.
Les partisans de l'approfondissement de l'expérience bicamérale
Cette position est plus nuancée que celle des partisans inconditionnels du bicaméralisme marocain qui vise selon eux à assurer une double représentation des citoyens, un meilleur équilibre dans l'exercice des pouvoirs, un contrôle renforcé de l'activité gouvernementale et une efficience plus grande dans l'action législative. Cette position part de l'expérience actuelle relatant ses griefs notamment la lenteur du travail parlementaire et le manque de coordination entre les deux chambres mais ne s'aligne pas sur "ceux qui réclament hâtivement une révision constitutionnelle et la réinsertion du système parlementaire", elle prône au contraire la nécessité de dynamiser l'expérience actuelle pour mieux fructifier ses atouts.
"Toute interrogation, affirme le Ministre chargé des relations avec le Parlement, sur la justesse de notre choix reste prématurée, d'autant plus que rien n'empêche que ce système étant encore à ses débuts, fasse l'objet d'amélioration, voire de redressements, le cas échéant".
Cette consolidation du bicaméralisme passe nécessairement par la rationalisation du travail parlementaire, la coordination entre les deux chambres mais aussi par la révision du mode de scrutin susceptible de garantir une représentativité authentique et réelle des différentes forces régionales au sein de la chambre des conseillers.
Les partisans de l'approfondissement de l'expérience bicaméraliste actuelle évitent ainsi le pourquoi de la seconde chambre et son opportunité et focalise leurs réflexions sur le comment c'est à dire sur les méthodes de la rationalisation parlementaire.
portée
Dans son discours d'ouverture de la session parlementaire d'octobre 1998, feu S.M le Roi Hassan II n'a pas manqué de souligner la nécessité d'homogénéiser les deux règlements intérieurs des deux chambres du Parlement : "Le dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention honorables membres des deux chambres, c'est d'essayer au cours de cette session, dans la mesure du possible et avec célérité , d'harmoniser au maximum les règlements intérieurs de la chambre des représentants et celle des conseillers…. Pour éviter toute perte de temps, toutes les garanties doivent être réunies afin que la navette des textes entre les deux chambres s'effectue dans les meilleures conditions".
S.M Mohamed VI a réitéré la même position en appelant les deux chambres à réévaluer leur méthode de travail et à établir la coordination nécessaire dans un esprit de complémentarité : "nous attendons des deux chambres qu'elles procèdent à la révision de leurs règlements intérieurs en instaurant une coordination entre elles à travers la formation de commissions mixtes, tant nous considérons qu'elles ne constituent pas deux parlements distincts mais deux chambres d'un seul et même parlement".
Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour rétablir la logique d'un Parlement bicaméral ouvert et notamment éviter les pièges du bi parlementarisme.
La révision des règlements intérieurs des deux chambres à fin d'élever le niveau de la pratique parlementaire et instituer une meilleure coordination entre les deux chambres.
La création des commissions mixtes pour pouvoir mieux se concerter sur les questions de gestion parlementaire.
La réunion des deux chambres pour la discussion des questions particulières notamment par exemple, le projet de la loi de finances, les projets de lois organiques, les projets ou propositions de révision constitutionnelle…
La réunion hebdomadaire de la conférence des présidents des deux chambres afin de rationaliser le partage des compétences, d'optimiser le temps au niveau des commissions que des séances plénières et d'échanger les propositions ou les projets de lois qui ont déposés devant l'une des deux chambres.
Mais au-delà de ces propositions importantes qui tendent à rendre le travail parlementaire entre les deux chambres plus cohérent, moins encombrant, n'est-il pas encore politiquement opportun de réviser la constitution dans le sens de renforcer encore plus le contrôle de la première chambre d'élargir le domaine de la loi et de préserver les droits de la minorité parlementaire ?
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